Un-e artiste n'est pas que ce qu'iel fait.
Iel est aussi fait-e de ce qu'iel voit et vit.
Beaucoup d'artistes ont parlé du bien que leur faisait les voyages.
Cependant je ne vous donnerai pas le conseil de "voyager".
Car j'ai beaucoup fait de voyages qui m'ont épuisé mentalement et physiquement.
L'esprit négocie :
Oh, tu as vu du pays, ça n'est pas si mal malgré les disputes.
Tu es crevé et malade mais tu en as vu des choses !
J'ai principalement fait des voyages qui n'en étaient pas vraiment, les tournées notamment ou d’autres où je ne décidais de rien et durant lesquels il y avait beaucoup de tensions interpersonnelles.
Voyager représente un coût et un risque réel pour certaines catégories de personnes selon les pays (racisme, antisémitisme, xénophobie, homophobie, transphobie, sexisme, validisme, capacitisme, tout ça quoi...). Certaines destinations sont carrément interdites à certain-es quand on se rappelle la hierarchies des passeports ou que l’exil peut faire mourir en mer.
Nos manières de voyager sont aussi souvent très problématiques. Polluantes, dérangeantes voir violentes pour les autochtones, emplies de post-colonialisme, de consumérisme.
Avant, je ne réalisais pas que tous ces facteurs m'éloignaient des voyages de villégiatures dans des contrées lointaines, éloignées de ma culture. J'en suis plutôt satisfaite aujourd'hui.
Il aurait fallu pour coller à mes valeurs, mes finances et mes problématiques que ces "grands voyages" se fassent sur des périodes très longues, préparées longtemps à l'avance, avec la possibilité de rencontrer "réellement" des gens, de faire de la musique et surtout de revenir.
Ce sera pour une autre vie.
On peut voyager près de chez soi ou pas très loin. L'ailleurs est partout. Et l’ailleurs n’est pas forcément celui que l'on considère comme exotique1 à nous-même.
Alors oui, à bien y réfléchir, je vous donnerai quand même le conseil suivant :
Pour vous inspirer, faire une pause, partager un moment privilégié avec des personnes qui vous sont chères...
Tentez d’aller "ailleurs" comme vous le pouvez, en vous respectant, en respectant celles et ceux avec qui vous cheminez et en respectant les lieux et les gens que vous visitez.
Naples et Pompéi m’ont vu me glisser entre leur lignes. Je n’ai pas tout saisi. Pour se comprendre soi et comprendre les choses étrangères, il faut bien plus d’une vie.
Comment cela se fait-il que partir ailleurs nous reconnecte à soi et renforce les liens avec notre partenaire de voyage ?
Je me pose sûrement ces questions car beaucoup de voyages de mon passé m’ont fissuré.
En Italie, nous avons, Julien et moi, raccommodé certaines de nos fêlures.
Les lieux visités illuminent encore mes pensées. Mes 5 sens se souviennent…
Des pierres.
Des fesses, des seins, des mains et des regards étranges des statues.
Du goût des gâteaux crémeux et légers, des (vraies) pizzas et des (vrais) espressos. La nourriture italienne est si...2
De l’odeur de cette pluie tenace mais gentille sur le pavé napolitain.
De l'orage sourd que provoque les scooters en roues libres dans les descentes.
De la sensation douce qui reste sur mes lèvres après les avoir posées sur cette joue aimée que je n’ai cessé d’embrasser en marchant, avec pudeur quand même, car il semble que pas grand monde ne s’embrasse franchement dans l’espace publique ici.
De mes doigts dans la poche droite de mon manteau qui triturent le porte bonheur que nous a donné la vendeuse de babioles au dehors de Pompéi, juste après la fermeture.
On a quitté le magasin de souvenir de Pompéi en dernier. On a dit au revoir à la ville fantôme alors qu’il n’y avait personne, blotti-es sous le parapluie. J’ai dit “je veux revenir”.
Les volcans m’ont toujours fasciné. La prochaine fois, je ferais le Vésuve et je tenterai de rencontrer des gens. J’ai bien été à Barcelone 5 fois. Hormis les inoubliables “New-York & Montréal été 2018”, c’est depuis le “Barcelone de ma vingtaine” que je n’étais pas repartie en “vacances véritables à l’étranger”.
Chose rare, je me suis maquillée tous les jours. Le trait d'eye-liner raté de l'un de mes yeux devenait un dessin évoquant ce que j'avais vu ou ressenti.
Les grafitti dans le centre historique de Naples ne sont pas retirés. Les rues napolitaines semblent appartenir à tout le monde. À Maradona et à Jesus entre autres. Les rues parlent, prient et célèbrent. Elles crient parfois.
Tout le monde paraît classe, même les très vieilles personnes se pomponnent. Pourtant, quelques quartiers riches mis à part, Naples n'est pas une ville bourgeoise malgré sa beauté et son passé flamboyant. C'est peut-être pour ça que l'on sent une certaine ironie fière flotter dans l'air, Polichinelle veille.
On a marché marché marché. On s'est chamaillé à propos des chemins à emprunter pour éviter de trop s'essouffler. Voyager lorsque la santé est fragile, c'est toute une histoire.
On s'est soutenu. On a gravi les collines et surmonter nos peines.
Je suis reconnaissante envers la vie d’avoir pu faire ce voyage.
Je suis reconnaissante d’être partie avec toi, Julien. J’attends les clichés argentiques de notre périple avec impatience.
Je te dédie cette missive et je remercie Françoise du fond du coeur.
J'entends ici par exotique "Qui appartient à des pays étrangers et lointains" (source Larousse), mon emploi d’exotique s'éloigne donc de l'exotisme "phénomène culturel de goût pour l'étranger. ... attitude s'exprimant avec plus d'amplitude et de variété en Occident, en raison de la mondialisation : des grandes découvertes au commerce globalisé actuel, en passant par le colonialisme." (Source Wikipedia).
Rajoutez tous les adjectifs laudatifs (qui contiennent un éloge ou des compliments) que vous voudrez.
Cet article m'a touchée, émue, transportée... le rythme est puissant, le contenu aussi 🙏🏻
Merci de m'avoir embarquée quelques minutes au fond de ton autre poche.