[Collaboration] Lucky Number de Nahash feat. VoxAxoV
Un morceau comme point d’orgue d’un quart de siècle d’amitié créative
Dans mon dernier article, je vous parlais du fait qu’il est beaucoup plus doux pour moi de créer avec d’autres artistes.
Je vous avais promis de parler de mon featuring avec Nahash. Et bien me voilà !
Le 15 mai dernier, mon ami Raphaël Valensi – alias Nahash – a sorti son nouvel album Fleurs Mortes sur le label SVBKVLT.
Je, enfin VoxAxoV, chante sur le dernier morceau de l’album : un titre qui s’intitule Lucky Number.
Je dis souvent que je suis “fan de mes ami-es”. Peut-être que je manque d’objectivité.
Non.
Franchement, mes ami-es ont du talent. En tout cas, iels m’enchantent.
Dans un élan d’estime de moi-même beaucoup trop rare, j’en viens à penser qu’on attire à soi les créateur-ices qui nous ressemblent, ou qui vibrent sur des fréquences proches.
Raphaël ne fait pas exception. Cela fait longtemps que je voulais lui consacrer un article. En dehors de ma famille, c’est sans doute mon plus ancien complice artistique. Et, simplement, l’un de mes plus ancien-nes ami-es.
Une amitié musicale au long cours
Je connais Raphaël depuis qu’on était en première au lycée.
Il m’avait dit pour me flatter “tu as la voix de Billie Holliday”, j’ai répondu “c’est qui ce type ?”.
Du haut de nos 16 ans, on s’est vite trouvé-es à travers la musique.
À l’époque, on avait joué de manière très sporadique dans une espèce de groupe de fusion, un mélange de jazz, hip-hop et rock qui tâche, comme il en existait beaucoup dans les années 90.
On a toujours aimé les approches hybrides, mouvantes, alternatives.
Quand on s’est retrouvé au début des années 2000, il m’a initié à la musique électronique et m’a emmené en free parties. Même dans les raves, on allait chercher les DJs les plus originaux ou les sons les plus étranges. On était souvent blasé-es par les querelles de chapelle musicales et identitaires.
Avant qu’il parte s’installer à Shanghai et durant plusieurs semestres, quand on a recommencé à faire de la musique ensemble dans les années 2000, c’était pareil : tout était spontané et débridé.
Il m’invitait à me mêler à ses lives de housecore mélangée à de la break house ou de l’électronica dansante et pas trop intellectuelle. Je mettais des flûtes sur ses morceaux techno bizarroïdes, je chantais avec de la distorsion sur de l’italo-disco, je lançais mes premières voix de sirènes transformées dans de longues réverbes. Nos performances partaient dans tous les sens.
Rare archive de l’un de nos lives. Je suis à gauche, Raphaël à droite. Décembre 2006 au Triptik, devenu ensuite le Social Club devenu l’actuel Silencio à Paris.
C’est après avoir assisté à l’un de nos concerts plutôt breakcore-house dans une cave obscure de Paris que Jason Köhnen m’a proposé de rejoindre The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble.
Processus de production du morceau
Depuis plusieurs années, Raphaël vit à Montréal, alors on travaille à distance.
Je l’avais rejoint en 2018 pour une session d’ambient improvisé. En sont sorties les premières incantations de VoxAxoV.
C’est donc avec lui que j’ai co-produit une partie des morceaux de VoxAxoV mais c’est aussi lui qui mixe et masterise la plupart de ses morceaux.
J’ai hâte de refaire des featurings pour Nahash. Il travaille avec beaucoup de légèreté et d’humour. Il n’est jamais avare de conseils en production. Ses références et inspirations sont multiples et hétéroclites.
Pour Lucky Number, on a fait un échange : il m’a offert une séance de mixage / mastering pour un de mes morceaux en contrepartie d’une journée de studio que j’ai passé à enregistrer des voix pour lui.
Même si j’essaie toujours de rémunérer les artistes avec qui je collabore, j’aime bien ces formes de troc entre camarades artistes.
Pour Lucky Number, Raphaël m’a dit :
Tu pourrais me faire des voix comme les femmes bulgares ?
Je me suis souvenu-e qu’il avait le vinyle “Le Mystère des Voix Bulgares” et qu’on l’avait écouté dans notre vingtaine :
Ce morceau m’avait particulièrement marqué :
Alors j’ai improvisé des notes en montant une gamme aléatoire. Je les ai ensuite doublé plusieurs fois.
J’ai demandé à Raphaël comment il a procédé après réception de cette matière brute :
- J’ai surtout découpé et fait des groupes en prenant des notes que tu avais chanté, j’ai fait des accords en les groupant. Et ensuite de la réverbe. Mais c’est à peu près tout. Ça passe aussi dans un aux avec un effet granulaire qui crée des petites textures discrètes sur toute la track. Voilà.
- C’était un morceau simple à réaliser pour toi ? lui ai-je ensuite demandé.
- Oui et non, j’ai fait plusieurs versions avec ou sans drums mais les voix étaient toujours le point de départ.
Pour le choix du titre,
J’avais The Magic Number de De La Soul en tête 😂
Le genre musical de The Magic Number est loin de celui de Lucky Number de Nahash feat. VoxAxoV mais Raphaël est un habitué des grands écarts stylistiques depuis toujours.
Son dernier album Fleurs Mortes (que j’ai adoré) en est la preuve ultime.
Fleurs Mortes, ou l’art de sublimer la noirceur
Selon moi, Fleurs Mortes est puissant et d’une maturité folle. Il aborde musicalement des thèmes durs et sombres en mêlant intensément des styles presque opposés.
À bien y réfléchir, la musique de Nahash est très souvent sacrément intense. Et pour une personne aux humeurs notablement changeantes et au goût prononcé pour l’obscure et l’étrange comme moi, écouter sa musique c’est plonger en eaux troubles très familières.
À moins que ces 25 années d’amitié ne résonnent aussi dans nos accointances musicales ? Il n’y a pas de doute.
Après toutes ces années et une jolie reconnaissance de niche, Raphaël est resté drôle, curieux, entier et humble.
Cet article, c’est un peu ma déclaration d’amour à l’un de mes plus anciens ami-es artistes, un de ceux auprès de qui j’ai tant appris.
Je vous invite donc à écouter Fleurs Mortes. Et à plonger dans ce grand final qu’est Lucky Number, morceau qui, pour moi, ouvre un nouvel espace d’émotions partagées.
Très cool cette collab ! Ça m'a donné envie de revoir Ghost In The Shell... et d'écouter l'album en entier.
"Billie Holliday: C'est qui ce type ?" J'ai ri !