Dans cet épisode, nous allons parler une fois de plus du MaMa Festival & Convention mais il pour s’agir de n'importe quel autre évènement.
J'ai initié un sondage sur Instagram sur vos prises de photos et de vidéos lors des concerts et leur partage éventuel sur les réseaux. J'ai lu des articles sur ce thème.
Il s’est avéré que je m'attelais à un sujet beaucoup plus vaste et profond qu'il en avait l'air. Car on en vient à parler d'expérience (et donc chaque expérience est personnelle et unique), du live, de la connexion aux autres, de l'addiction aux réseaux, de notre rapport au temps, à la charge mentale, aux obligations qu'on s'impose...
J'ai donc préféré concentrer cet article sur mon expérience personnelle. J'espère réellement que vous n'hésiterez pas à commenter, à raconter vos habitudes. Vous avez été si bavard-e-s à ce propos sur Instagram !
Je n'entends pas donner de conseils bien-être. Je vais parler de comment, moi, pour survivre au MaMA j'ai décidé de vivre l'instant présent et de ne pas partager de storys sur le moment.
CE QUE J'AI REMARQUÉ
Ce sont surtout les artistes très médiatisés qui peuvent être dérangé-e-s par les armées de téléphone durant leur concert. Adèle, Patrick Bruel ou Bob Dylan se sont déjà agacé-e-s publiquement à ce propos.
D'autres artistes très connu-e-s vont plutôt surfer sur la vague. En demandant par exemple au public d’utiliser l'option torche de leur smartphone héritière du briquet, en créant des clips à partir des vidéos de fans...
Certain-e-s artistes veulent que leur concert restent secrets ou uniques. C'est une autre posture, plus conceptuelle ou éthique.
Arte Concert en 2016 dans son spot de bonne année a invité le public à prendre une bonne résolution : "En 2016, rangez vos smartphones. Profitez du spectacle."
Les artistes émergent-e-s quand à elleux sembleraient plutôt ravi-e-s de pouvoir bénéficier d'une promotion organique qui vient du coeur.
D’ailleurs, les artistes et les pros du milieu profitent aussi du concert ou des conférences des autres pour créer du contenu sur leurs réseaux. Cela montre qu'il se passe quelque chose de vivant dans leur vies, qu'iels est dans la place. Cela crée des connexions.
OUI MAIS
Les évènements pro, comme le MaMa, sont anxiogènes. Enfin pour moi.
Tellement de choses se passent, tellement de gens avec qui discuter (ou que l'on souhaite éviter), tellement de concerts ou de conférences qui se passent en même temps...
Entre l'appli du MaMa qui nous notifie du début des évènements que l'on a coché, les messages de celleux que l'on doit croiser, la vie qui continue donc les emails qu'on reçoit et le SMS sur le groupe whatsapp famille qui demande si on vient le 24 ou le 25 fêter Noël… on est bien souvent rivé-e à notre téléphone (d'où mon conseil en or de d’avoir avec soi une batterie portable).
Et si on est rivé à notre téléphone, et qu'en plus on se dit qu'il faut faire des storys car "c'est comme ça qu'on fait, faut être dans la place" : on rate des choses IRL.
Surtout QUE - et c'est bien la chose la plus importante que j'ai intégré pour ma santé mentale- on peut partager PLUS TARD.
C'est si simple, si évident, mais j'ai mis tellement de temps à comprendre que c'était tout possible et carrément ok.
Mais c'est ma façon de vivre la chose. Lors du sondage Instagram, certaines personnes m'ont écrit que partager sur le moment leur enlevait une charge mentale : "c'est fait, on y pense plus". C’est aussi justifié.
EN QUOI, POUR MOI, PARTAGER SUR LE MOMENT EST UN PROBLÈME
Ça nous fait participer à la tyrannie du FOMO (fear of missing out, la peur de rater quelque chose).
Ce FOMO que j'ai souvent ressenti pendant mon arrêt maladie. À un moment, je n'allais plus que très rarement sur les RS. C’était difficile pour moi de voir qu'il se passait autant de choses dans mon milieu alors que je ne pouvais pas m'y rendre. Ma vie était un continuel “missing out”. Je m'en suis très bien portée par la suite, je vous rassure.
En revanche, quand je voyais des storys d'évènements avec un texte plus poussé, un partage de ressenti, un conseil, quelque chose de très esthétique et inspirant etc. c'était beaucoup moins “fomoïsant” pour moi.
La story proposée n'était pas un "regardez-moi en train de regarder" mais un "j'ai vécu ça et voilà ce que j'ai à en dire".
On demande souvent aux artistes d'avoir des "actualités" comme si les artistes étaient des chaînes d'infos en continu. La tentation est donc grande de devenir les BFMs de la musique zactuelle. Moi, je me vois bien plutôt en Monde Diplomatique du milieu. Bon ça fait très intello d’écrire ça mais je m'en fiche.
Et puis il y a la surchauffe mentale. On finit souvent ces évènements pro sur les rotules. On a fait 15 kms en une journée, mais on a aussi beaucoup parlé et ingurgité quantité d'informations.
De surcroit, si on fait des storys, on regarde instinctivement leur reach et on reçoit des MPs.
C'est trop pour moi. Mon cerveau va déjà dans tous les sens, m’en rajouter, no way.
J'ai aussi appris récemment que le multitâche est totalement contre-productif. Tapez "multitâche contreproductif" sur Google et vous verrez (cet article est déjà assez long comme ça).
ALORS COMMENT J'AI FAIT ?
Quand internet n'existait pas, j'avais toujours avec moi un appareil photo argentique jetable puis ensuite un numérique qui faisait des vidéos. J'étais l'archiviste de la bande. Je fais aujourd'hui de même en quelque sorte.
Ça a été donc donc assez simple de m’imposer la règle du “allez, partage plus tard”.
En plus ça m'a permis d'économiser ma batterie 😀
Pour les concerts
Ne pas faire de storys en temps réels m'a permis de ne pas revivre des moments désagréables.
Je suis dans la fosse, je fais une story vidéo via Insta et je passe ensuite 4 min à choisir un filtre, un zigouigoui qui bouge, une phrase pas trop bateau. Et là, c’est le drame. Ça capte pas, ça me bouffe ma batterie, j'ai raté le moment où le guitariste a fait un solo avec ses pieds. J’abandonne.
J'ai mis une semaine à repartager sur Instagram les vidéos des concerts. Ce fut une expérience très agréable.
J’ai pu choisir les meilleurs moments, me renseigner sur les artistes, écouter leur musique... La découverte à chaud du groupe Astéréotypie m'a particulièrement marqué. Revivre leur concert et plonger dans leur univers à J+7 a été exquis et émouvant. Cela m'a fait réfléchir à postériori sur ce que ce groupe représente, en quoi son existence même en dit beaucoup sur le milieu de la musique.
J'ai pris le temps d'écrire des textes courts qui accompagnaient les vidéos. Des textes plus creusés que juste "@polygonezeband ça tue". Cela a plu aux artistes qui pour certain-e-s me l’ont fait savoir. Cela a intéressé mes followers.
Mes partages n'étaient pas noyés dans la masse de toutes les autres storys. Peut-être cela leur a fait plaisir que quelqu'un-e les replonge dans le souvenir. On ressent parfois un baby blues si fort après certains concerts ou tournées. On se sent tout vide et on en redemande encore.
Si l'artiste est archi connu et est en pleine tournée mondiale, la connexion est plus improbable, bien entendu.
Mais sait-on jamais. Je rêve d'entrer en contact avec Trent Reznor. Quand j'irais au prochain concert de NIN (pas au Hellfest), j'attendrai la fin de la tournée pour poster un truc hyper chiadé. Et hop, il lit. Et hop, il demande de collaborer avec VoxAxoV. L'espoir fait vivre.
Pour les conférences
Comme pour les concerts, j’ai eu des expériences désagréables.
Avant ma décision d’arrêter les storys on the go durant les conf’, je perdais 5 min à trouver les intervenant-e-s et leurs structures, certain-e-s n’étaient pas sur Instagram, mes photos étaient moches. À quoi bon perdre ce temps lors qu’on était en train de m’expliquer c’est quoi les blockchains ? Je ratais tout.
On a plus de recul sur le sujet abordé si on en parle plus tard sur les RS.
C'est quasiment un exercice de révision. On relit nos notes, on écoute le replay, on partage en story les réflexions que ça a généré. La discussion peut continuer online.
On se rend à des conférences avant tout pour apprendre et débattre. Ce serait dommage de manquer des informations pour une story.
Aller à des conf’ c’est aussi idéal pour entrer en contact avec un-e des intervenant-e qui a un super label qu'on lorgne depuis la St Glin Glin. C'est tout autant probant d'aller lui parler à la fin ou de lui envoyer un mail après coup.
Bonjour Bidule,
J'ai assisté à la conférence sur le Blockchain et moi qui n'y connaissais rien, tes interventions m'ont ouvert les portes de la perception.
D'un point de vue esthétique, les photos de conférences c'est pas tip top. Un écran avec le nom de la conf et des intervenant-e-s. Ou un powerpoint avec un fromage et des pourcentage. En dessous, des intervenant-e-s assis-e-s qui font des têtes très concentrées. Et si vous faites une vidéo, il faut réussir à choper le moment où Bidule dit ce truc hyper pointu sur les blockchains...
Les photos de conférences se ressemblent toutes. Et c’est vraiment ok, c’est de la photo corporate et pro, on va pas demander la lune, je ne critique pas. Mais vous êtes un-e artiste, ne l’oubliez pas. Tentez quelque chose d’original peut-être ?
Durant les conférences, il peut se passer des choses folko dans l’assistance. Une stupéfaction générale “mais n’importe quoi, Tik Tok n’est pas incontournable”, des éclats de rire qui partent car l'intervenant-e-s est méga fun, un squatteur de micro qui veut refaire le monde, des hochements de tête approbateurs à répétition “c’est tout à fait ça !”.
Desfois des amitiés se créent dans le public des conf’. Comme pour Hannah Featherstone comme j’en parlais dans mon précédent article sur le MaMa. Ou durant ce workshop de la Jirafe en 2015, durant lequel Yasmina, Muriel et moi, les 3 co-fondatrices de Musiciennes&Co, nous sommes rencontrées.
OK C'EST BIEN BEAU TOUT ÇA, MAIS…
...j'ai la forte envie de poster une story durant un concert en mode "je suis là, retrouvez moi" car "je me sens seul-e". C'est assez rare que les gens regardent les storys des autres en pleins concert, s'envoient des messages et se retrouvent. Ça arrive, mais c'est rare.
…vous voulez vous faire remarquer des artistes, des "pros" avec vos storys. Ou juste montrer que votre vie est formidable. C’est carrément louable. Votre story sera plus efficace si vous la faites avec un bon texte, les bonnes mentions, le bon filtre et les meilleurs passages qui mettent vraiment en valeur tout ce beau monde.
…l'envie de partager sur le moment est juste trop forte, car on est vraiment en pleins kiff. On a envie de propager des good vibes, de soutenir les artistes. Une réponse très choupie qui est souvent revenue souvent durant le sondage Insta ❤️️.
Et bien faites ! Faites ! Faites ! C’est une belle raison. Heureusement que les RS servent aussi à ça.
Mais on peut aussi se retourner et dire à notre voisin-e inconnu-e "ah la vache, c'est trop bien" "c'est pas une vache, c'est Björk".
Je me souviens justement de ce concert mémorable de Björk à We Love Green. J'étais seule. J'ai pleuré plusieurs fois durant le concert tellement j'étais ému. Je ne sais plus si j’ai partagé les vidéos que j’ai prise sur le moment. À un moment, s’en était trop, il fallait que je communique mon trop plein d’émotions. On s'est regardé avec un couple voisin dans la fosse, on s’est dit qu'on avait pas les mots, que c'était trop beau, qu'on avait envie de pleurer…
Ceci dit, je pense que ces moments de communion IRL existeront toujours, même si les RS en viennent à prendre encore plus de place dans nos vies.
LE MOT DE LA FIN AVEC L’INSTANT DE MALAISE INTERNÉTIQUE
Vous êtes donc en pleins kiff, le concert est d'enfer, les lumières sont si belles. Mais vous êtes aussi peut-être sous l'emprise de substances. Et vous faites une story. Et puis après plus tard, les souvenirs se brouillent et vous n'avez plus de batterie. Vous vous réveillez dans votre lit. Tout va bien.
Sur vos storys, le lendemain. Catastrophe. L'image sautille, vous avez écrit un peu n'importe quoi en Comic Sans et tagué @pentagoneUSA au lieu de @polygonezeband, on entend JB derrière vous qui beugle comme un ours, le son est saturé avec des bruits de frottements de pull ou d’on ne sait quoi. Et ensuite, autre story. Vous êtes en mode selfie sans vous en rendre compte, et on voit rien à part JB qui beugle toujours comme un ours mais avec des oreilles de chat lumineuses sur la tête.
Votre réaction dépendra du poids de l’hypothétique jugement des autres sur vous (et sur JB). Transparence complète sur vos pérégrinations nocturnes, vous laissez. Ou sentiment de honte profond révélant un besoin de contrôle de votre image (c’est tout à fait justifiable, surtout si votre mère vous suit), vous effacez au plus vite la story compromettante.
Au final, faut le faire comme on le sent, sur le moment. La réponse qui est apparue le plus lors du sondage insta était "ça dépend".
Encore une fois, faut se connaître.
Et encore une fois, on est pas obligé-e de se connaître à fond. Cela prend du temps de savoir ce dont on a réellement besoin dans nos vies, on ne nait pas avec la science infuse de nous-même.
On est en perpétuelle évolution, et les réseaux sociaux aussi.
Les réseaux sociaux sont des adolescents. Ils sont aussi encore en apprentissage d’eux-mêmes. Et il n’existe pas encore de code des réseaux comme il existe un code de la route.
Aussi, à moins qu'on ait 100000000000k followers et les médias zyeutant le moindre de nos faits et gestes, les storys disparaissent si on ne les met pas à la une, elles sont effaçables et on les oublie.
Bon rappelons-nous quand même qu’il y a des cas graves de cyberharcelement suite à des partages de storys. Mais c’est un autre sujet.
Au final, les storys de concerts ou de conférences doivent rester un plaisir, un outil de découvertes, de connexions et de partages d’expériences.
En tout cas, c'est décidé, jusqu'à nouvel ordre, je ferais des storys de concerts en décalé. Aujourd’hui à J+5, je partagerai en story les vidéos des concerts de la soirée Listen Up au Hasard Ludique dont je vous ai parlé dans le précédent article. C'était vraiment bien. Retrouvons-nous sur mon profil personnel INSTAGRAM ICI.
ET VOUS ?? Comment vous faites ? Vous êtes plutôt du genre tout de suite ou plus tard ? Dites-nous en commentaire !
Voilà c'est tout et c'est déjà beaucoup !!