J'entre en résidence... chez moi !
Exercice des priorités, grand regroupement, une expérience inédite
Le problème des cerveaux en ébullition
Comme beaucoup de monde, je suis du genre à vouloir faire pleins de choses.
J'adore collaborer, créer de nouveaux projets. Les idées me viennent toujours, tout le temps. Tout m’inspire.
J’aime écrire. Cuisiner de la nourriture saine, et la manger surtout. Couper ma glycine. Faire de l’artisanat. Tenter le zéro déchet. M'instruire sur le monde. M’intéresser à la spiritualité, la finance, la politique, la, le et ça et ça et ça et ça et pis encore ça et ça et ça.
Ah et puis ça aussi.
Et ça.
Mes to-do lists sont immenses (je me soigne à ce propos). Ma pile de livres à lire n'en parlons pas. Mes envies de collaborations idem. Les "gros projets" à terminer sont aussi assez nombreux.
Cette curiosité insatiable m'amène au point où je me bloque à certains savoirs pour ne pas "sombrer" dans l'intérêt et risquer de m'éloigner des missions artistiques sur lesquelles je planche au moment M.
Exemples : je ne veux pas m'intéresser au modulaire, je ne veux même pas commencer à apprendre à mixer mes morceaux, je ne veux pas me mettre à la guitare, je ne cherche pas à faire du doublage ou des voix off (alors qu'on me répète à gogo que je devrais en faire, ça viendra si ça me tombe dessus), je ne donne plus que très rarement des RDVs conseils, je ne veux pas pour l'instant me construire un site internet etc.
Petit à petit, j'apprend à vivre avec ce cerveau et ses envies qui vont dans tous les sens. C'est une gymnastique quotidienne. Notre société occidentale moderne ne nous aide pas non plus.
Le multitâche est une illusion
Merci
pour la révélation.La chose très importante qu'il a fallu que j’intègre est qu'il m'est impossible de m'attaquer à plusieurs gros projets en même temps.
Apparement, seulement 2% d'humain-es seraient réellement capables de réussir à faire plusieurs actions simultanément de manière très concentrée et donc optimale.
Je ne fais apparement pas partie de ce petit groupe de personnes.
J’ai digéré cette information et ai changé petit à petit mes habitudes en conséquence.
Grâce, entre autres, à la formation de l’Atelier Galita "Comment devenir une personne productive sans être quelqu'un d'organisé". Nicolas Galita tient lui-même ce savoir d'Oussama Ammar (qui a dû le tenir de quelqu’un-e d’autre…).
L'exercice des priorités que propose Nicolas durant cette formation m'a énormément aidé. Je la fait faire à beaucoup de monde maintenant.
Ça vous tente ?
L'exercice des priorités
Prenez une feuille de papier et un stylo. Pour cet exercice il vaut mieux écrire que de taper à l’ordi. Vous comprendrez pourquoi.
Vous devez maintenant écrire jusqu'à 20 missions / tâches / choses / rêves que vous voulez réaliser, entreprendre, finir…
C’est ok si vous en écrivez moins.
Vous pouvez aborder tous les domaines de votre vie, ce qui vous vient à l’esprit.
Des généralités "gagner plus d'argent" "passez plus de temps avec ma famille". Des choses plus précises "mettre en ligne toutes mes chansons en audio officiel sur YouTube". Des micros tâches symboliques qui vous bloquent "trouver un nouveau nom d'artiste" ou bien des micros tâches simples que vous n'arrêtez pas de repousser à plus tard "faire accorder le piano".
Prenez votre temps...
...
...
C'est bon ?
Maintenant vous ne devez garder que 10 choses, en barrant celles qui vous paraissent moins urgentes, moins importantes ou moins essentielles.
Allez !
...
...
Ok !
Ça fait le ménage hein ? Et bien maintenant vous ne devez en garder que cinq. Oui, vous pouvez le faire !!
...
...
Oh la la bravo !! Maintenant... et oui... vous ne devez en garder que deux !!
...
...
…
Voilà.
Vous avez en face de vos yeux les deux choses sur lesquelles vous devriez concentrer vos efforts prochainement.
Si ce sont des choses très simples qui ne vous prendront pas beaucoup de temps, tant mieux. Vous faites et vous passez ensuite aux autres missions.
S'il s'agit d'un gros dossier "passer plus de temps avec ma famille" "finir l'album" etc, il va falloir trancher, faire des aménagements, préparer, réfléchir, découper en petites tâches. Préparer et organiser, c'est du travail.
La première fois que j'ai fait cet exercice en suivant la formation de Galita fin 2020 (?), j'étais presque en colère : "Ça n'est pas possible, on peut être réellement sur plusieurs fronts ! Je fais pleins de choses en même temps, c'est mon caractère, j'ai toujours fonctionné comme ça et je n'en suis pas morte."
Et puis… Il y a eu… La pandémie qui n'en finit pas, les gros problèmes qui déboulent en cascades, ma dépression latente de (très) longue date qui se révèle au grand jour, le burn-out en octobre 2021.
Certes, ma manière de faire ne m’a pas tué mais elle m’a épuisé. Je n’aurais pas pu tenir plus longtemps ainsi.
Me voilà qui refait la liste début 2022, aucun problème à ne garder que deux grandes missions : “me soigner” “avancer sur les Temps Longs”.
Oui mais…
Comment on fait quand on doit (vraiment) avancer sur plusieurs fronts ?
Comment on fait pour garder la tête froide quand :
- on doit tout de même faire un minimum de com' sur les réseaux sociaux car on est en tournée ou en enregistrement,
- on doit finir son album et travailler en parallèle sur son financement,
- on sort un album en se préparant en même pour la tournée mais qu'il faut penser à la promotion et aller d'interview en interview et publier ensuite les retours presse sur les réseaux,
- notre vie est stressante,
- notre porte monnaie fait du yoyo,
- on n’a plus le temps de voir ses proches,
- etc
Lorsque l’on est à son compte, artiste ou pas d’ailleurs, on doit souvent changer de casquettes, jongler entre différentes missions. Desfois, dans la journée.
Pour me prendre en exemple, je peux difficilement faire 4 heures de musique puis enchaîner sur 4 heures de business. En plus, je suis une personne qui fonctionne par grands cycles plutôt que par rythmes quotidiens (même si j'ai des routines journalières, voir des rituels obsessionnels). Et ma santé mentale est encore trop instable, et nous sommes légion dans le milieu des musiques actuelles dans ce cas.
Et est-ce sain et possible de travailler 8 heures par jour correctement de manière ultra concentrée ?
Mention spéciale si vous êtes parent célib (allez, disons-le, mère célib), famille nombreuse, handi, en charge d’un-e proche malade etc bref si vous cumulez les difficultés, les oppressions…
Pour revenir aux artistes, c’est la même dynamique que l’on soit émergent-e sans entourage pro ou qu'on soit signé-e en major avec toute la panoplie de l'entourage idéal et un compte en banque qui ne crie pas famine.
C'est quasiment impossible émotionnellement de tenir le coup si de nos emails ou coups de téléphone business dépendent l'avenir de notre musique. On préfère se détendre. La musique peut être un moyen de se détendre aussi, mais bon...
Alors, comment on fait, hein ?
Parmi un grand nombre de solutions (rétro-planning, travail sur la concentration, délégation...), il y a celle du "grand regroupement".
On le fait très souvent sans y réfléchir, mais le conscientiser aide énormément.
Comment je tente de regrouper avec cette “expérience inédite”
D’abord, une semaine sans musique
J’ai commencé à vous écrire depuis la nouvelle maison de mon père dans le Beaujolais.
J'y étais depuis le lundi 23 janvier. Entre deux conversations chaleureuse avec le padre, j’ai bossé doucement mais de manière très concentrée sur l'admin, la newsletter, mes réponses Groover, la préparation de projets... Merci à la technique Pomodoro.
J’ai aussi passé un fabuleux week-end express à Lyon avec ma cousine adorée Fanny Cegarra qui est formatrice et conseillère en végétal pour les cheveux (et tellement d’autres choses…).
Coup de coeur sur les oeuvres de l’artiste Charlène Planche (découvrir ICI) à la Galerie Art Show. Superbe soirée “AQAB (All Queers Against Borders)” au Sonic organisé par le Bon Queer Lyon en soutien à l’asso AIMEL+ qui accompagne les LGBTQIA+ exilé-es.
Bref, pas de musique, concrètement parlant car je chante toujours dans ma tête, sous la douche...
Seulement du travail sur ordinateur et du temps passé avec ma famille.
On remarquera qu'on retrouve les deux grands domaines ou missions finales de l’exercice des priorités.
Le week-end m’a permis de digérer les temps d’écrans, les emails importants, les visios mises au point…
Puis une semaine artistique
La semaine prochaine, commencera un projet que j'organise depuis plus d'un mois.
Une résidence.
Oui mais, une résidence chez moi ! Expérience inédite !
En fait, ça n’est pas vraiment une expérience inédite, il m’est déjà arrivé de travailler assidument de chez moi sur une tâche particulière pendant un long laps de temps. Mais il m’a fallu conscientiser le processus et nommer ce moment “résidence chez moi” pour réellement forcer la concentration.
La résidence ou l'instant de concentration artistique intense
Dans le milieu des musiques actuelles, les artistes et leur équipe qui sortent de leurs 1ères résidences scéniques sont souvent étonné-es de la quantité importante de travail qu'iels ont pu abattre en un temps record.
Le pouvoir de transformation des résidences est souvent fort. Ces moments sont marqués d'une pierre blanche dans les parcours des artistes.
Il y a les résidences de création, plus communes pour les artistes de musique expérimentale / contemporaine ou pour les artistes plastiques.
Il y a les résidences de travail scénique, très répandues en musiques actuelles.
Les enregistrements de musique qui se font sur une période restreinte en mode "maxi focus" sont en fait des “résidences”, non ?
Dans ce sens, on pourrait aussi dire qu'une journée shopping avec un-e styliste pour définir sa ligne vestimentaire, en est aussi.
Quoi qu’on fasse, pendant un temps dédié, la priorité est le travail qu'on s'est donné.
C’est une garantie de concentration. On plonge dans un mode création sans fin. Notre esprit et notre corps entrent quasiment en transe de travail. J’ai vu qu’on appelait cet état le “flow”.
S'accorder des plages entières pour une seule tâche qui mobilise de l'effort physique, émotionnel et intellectuel, c'est donc la clef.
J'utilise très souvent cette expression “c’est la clef”, j'adore les clefs et leur symbolique, j'en ai pleins chez moi. Et c’est cool de pouvoir l’écrire de pleins de manières différentes.
On est parfois hébergé et nourrit sur place. Le fait de ne pas être chez soi aide beaucoup.
Ou alors on s'arrange et on prépare toute la logistique en amont. La vie quotidienne est rythmée par le travail du moment. Les tâches ménagères sont faites à plusieurs.
On coupe son tél. On fait, au minimum, des posts ou des storys sur les RS à propos de la résidence. Et on tente de tout filtrer, de repousser à plus tard ce qui n’est pas urgent.
Après avoir posé les dates de cette "résidence chez moi", j'ai refusé des invitations et décalé des RDVs. La meilleure des explications : "je ne peux pas, je suis en résidence".
Une personne m'a demandé "où ça ?" s'attendant à ce que je réponde "dans telle salle de concert" ou "telle maison de création perdue dans la pampa", et non. J'ai répondu "chez moi".
Concrètement, cette résidence chez moi, ça donne quoi ?
Je continue cet article de chez moi alors que je suis rentrée de ma semaine lyonnaise.
Nous sommes le mardi 31 janvier et la résidence commence officiellement demain.
Ménage, courses, rangement, derniers mails importants à gérer. Nous nous préparons doucement.
Je dis "nous", car le point essentiel de cette résidence est qu'elle se fait à plusieurs.
Je travaille en tant que VoxAxoV avec le cinéaste et photographe Julien Fallecker sur un projet musique et images "Les Temps Longs".
Comme son nom l'indique, c'est un travail de longue haleine. Il a débuté en octobre 2021 alors que je venais de faire mon burn-out. Nous le continuons depuis au gré des nombreux évènements compliqués qui ont rythmé mon année 2022.
Les Temps Longs évoquent le temps qui passe "à la vitesse des arbres", la mort, le repos, la puissance de la nature, le rêve et la création comme moyens de guérison...
C'est une oeuvre audio-visuelles de 25 minutes environ découpée en 4 pièces. La musique est plus ou moins improvisée autour du piano et de la voix transformée. Les images sont filmées en Super 8 et 16mm. Les films ont été développés à la main par Julien Fallecker à l'ETNA et ont été digitalisés par Family Movie et Kinografik.
Voilà ce qu'il faut terminer :
- le montage (et l'étalonnage),
- les enregistrements de piano, d’une voix lead et de voix transformées,
- la production entière de l'une des musiques qui est en fait "une chanson" (c'est la 1ère fois que je vais produire seule de A à Z une "chanson" donc le challenge est de taille pour moi),
- recalage des images sur la musique que je vais enregistrer,
- et sûrement d'autres tâches que je n'ai pas en tête pour l'instant.
Il est bien possible que cette résidence ne nous permettent pas de tout finir.
L'essentiel est d'avancer.
Julien s'est mis à faire de la musique électronique en s'équipant de machines modulaires. Cela lui permet de se détendre entre des séances de montage.
J'ai nommé son style de musique du "Farfadisme" : c'est loufoque, expérimental et hyper original. Je suis toujours hyper touchée par les artistes qui s'adonnent à un art qui n'est pas vraiment le leur de prime abord.
Deux autres personnes se sont greffé-es à la résidence ! Cela va créer un réel moment d'émulsion artistique.
Asch, plasticien-ne
Asch dessine, sculpte, photographie et est toujours partant-e pour porter un poly lors d'un tournage ou d'un shooting photo. Un-e grand-e ami-e de Julien qui est devenu-e aussi mon ami-e. Julien et iel ont déjà fait pas mal de projets artistiques ensemble.
Asch est venu-e en ayant plusieurs projets à faire avancer. Iel a tout à disposition pour laisser aller son inspiration : cahiers, feuilles, sa tablette graphique, son ordi portable, son appareil photo et un nombre incalculable de feutres, pastels, crayons.
Scarlett, artiste de musique
Et puis en fin de semaine, Scarlett nous rejoint.
Enfin ce soir, car je finis cet article le vendredi 3 février. Elle est en chemin.
Scarlett est autrice compositrice et productrice de musique électronique et contemporaine. Elle est aussi une DJ super classe. Elle joue de la guitare électrique et (paraît-il) du violon.
Scarlett habite un petit appartement parisien où il lui ait difficile de jouer de la musique à toute blinde. Elle est déjà venue chez moi jouer de la guitare très fort pendant plusieurs jours et garder mon chat alors que j'étais en vadrouille.
Elle a énormément de commandes musicales à finir et surtout...
…nous sommes en concert le 3 mars à l'Alimentation Générale à Paris pour une soirée Couvre Chefs.
Je dis “nous” (bis) car VoxAxoV chante pour Scarlett !! Je suis sa voix !! Donc nous allons peut-être travailler sur ce concert entre plusieurs autres tâches.
Un jour que Scarlett était chez moi, je me suis mise à jouer au piano une des pièces des Temps Longs. Elle a commencé à me donner des conseils en interprétation avec beaucoup de patience, de douceur et de pédagogie. J'ai adoré. Sa formation classique et sa générosité font d'elle une coach admirable.
C'est à partir de ce moment précis que j'ai encore plus voulu que Scarlett nous rejoigne à la résidence.
Résidence à plusieurs = inspiration + soutien = joie
À cause de mon problème d'hyperacousie à l’oreille droite, tout ce qui est enregistrement ou travail en studio me demande beaucoup d'organisation, de concentration et d'efforts émotionnels. De repos, de calme. De soutien.
Le fait d'être entouré-e de personnes avec qui j'aime co-habiter et travailler, mais que j'aime tout court, m'aide à "travailler mieux" et à surpasser les problématiques liées à mon hyperacousie (et à ma santé mentale en dent de scie).
Vivre l'avancement des créations des autres me porte : les créations de Asch, la musique Farfadique de Julien, les prods de Scarlett qui me rappellent à quel point j’ai de la chance collaborer avec elle.
Je serais là pour Julien pour les retours sur l'avancement du montage des Temps Longs.
Organiser cela chez moi m’a fait économiser le temps et l’énergie de trouver les financements pour une résidence ailleurs, plus “consensuelle”.
Je reste auprès de mon chat, pas besoin de lui trouver de gardien-ne. Je ne dépense pas d'argent en transport, en location de salle ou autre.
Il faut dire que ma maison est idéale : grande, studio de musique, ville tranquille, mini jardin. On ferme les yeux et les oreilles sur son état très dégradé et sa proximité de l'aéroport. Enregistrer des pianos avec des avions qui passent toutes les 10 minutes, c’est très compliqué…
Nous aimons toustes les 4 la bonne nourriture.
Malgré les tasses de café qui vont traîner partout, les tâches ménagères se répartiront plutôt bien.
Nous nous sommes promis toutstes les 4 de résister à l’appel des distractions hors les murs : concerts, soirées, visites d’amix.
On rigolera beaucoup.
La semaine prochaine, je vous enverrai sûrement la rétrospective de cette expérience inédite...
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Merci pour tout ces partages. Ça fait un moment que je repousse l'exercice des rêves / choses à accomplir etc. De peur de voir ce que je pourrais y trouver dedans. En réalité, uniquement des choses réalistes et réalisables et les deux priorités qui en ressortent font sens avec tout ce que j'ai écrit dans la liste. Donc merci 🤩.
Une résidence chez soi ! Quelle merveilleuse idée. Ça me donne très envie de me réserver prochainement des journées ( pour le coup seule) chez moi pour avancer sur mon projet 🙏🏻.