Résidence chez moi #2 - Témoignage sur l'hyperacousie
J'ai cherché l'épingle, j'ai (re)trouvé mon hyperacousie
Chercher l’épingle
Quand j’étais ado, ma mère m’avait offert “Propos sur le bonheur” de Alain. Je crois n’avoir lu que le 1er chapitre. Mais ça m’a assez marqué pour m’en souvenir encore.
Extraits :
Lorsque Bucéphale, cheval illustre, fut présenté au jeune Alexandre, aucun écuyer ne pouvait se maintenir sur cet animal redoutable. Sur quoi un homme vulgaire aurait dit : « Voilà un cheval méchant. » Alexandre cependant cherchait l'épingle, et la trouva bientôt, remarquant que Bucéphale avait terriblement peur de sa propre ombre ; et comme la peur faisait sauter l'ombre aussi, cela n'avait point de fin. Mais il tourna le nez de Bucéphale vers le soleil, et, le maintenant dans cette direction, il put le rassurer et le fatiguer. Ainsi l'élève d'Aristote savait déjà que nous n'avons aucune puissance sur les passions tant que nous n'en connaissons pas les vraies causes.
…
L'impatience d'un homme et son humeur viennent quelquefois de ce qu'il est resté trop longtemps debout ; ne raisonnez point contre son humeur, mais offrez-lui un siège.
…
Mais ne dites jamais que les hommes sont méchants ; ne dites jamais qu'ils ont tel caractère. Cherchez l'épingle.
Contextualisation. “Homme vulgaire” c’est classiste, oui. Il est question de domptage d’animaux et c’est nul, Alexandre et Bucéphale c’était durant l’Antiquité. Alain utilise le mot “homme” comme valeur universelle pour “être humain-e”, il a vécu de 1868 à 1951 et l’écriture inclusive ne devait pas trop être en vogue à l’époque.
J’ai toujours cherché l’épingle. Mais les chercheureures d’épingle sont toujours les plus mal épinglé-es.
Pour cette résidence chez moi, j’avais une fois de plus oublié mon épingle auditive…
(Ré)Apprendre à vivre avec de nouvelles pathologies
J’ai terminé le livre “Rupture(s)” de Claire Marin la veille du commencement de l’écriture de cet article. Synchronicité.
Comme l’explique Claire Marin dans son livre en s’appuyant sur les écrits d’autres écrivain-es et philosophes, les crises de l’existence nous transforment à jamais. Il faut apprendre à vivre autrement ensuite.
Dès 2014, mes problèmes d’hyperacousie à l’oreille droite ont transformé mon rapport à la création, à mon travail d'artiste, à la musique.
Cette transformation a toujours lieu.
Le corps se transforme toujours. La pathologie évolue, l’environnement personnel et la société aussi. C’est un apprentissage à vie.
C’est durant cette résidence où j’ai dû enregistrer des pianos que j'ai pleinement réalisé que je ne pourrais jamais être, malgré mes envies, une producteurice hyper-profilique. Comme je l’étais dans ma vingtaine. Comme je rêvais de le redevenir après l'arrêt de mon groupe Charlotte&Magic et la naissance de VoxAxoV en 2018.
Cet article est un témoignage sur l’hyperacousie.
J’espère que ce témoignage me permettra d’arrêter de minimiser mon problème et qu’il pourra aider d’autres musicien-nes souffrant de problèmes d’audition.
À la fin de l’article, je vous propose de réaliser ensemble une expérience pyrotechnique.
Je voulais aussi parler dans cet article de santé mentale. Comment les résidences sont compliquées lorsque l’on souffre de dépression chronique. Comment l’organisation de cette résidence à plusieurs a été un moyen de me remettre à travailler en douceur, avec un entourage bienveillant et créatif, tout autant sensible que moi. Mais ce sera pour une prochaine fois…
Romantisation de la santé défaillante des artistes
On psychologise trop les maux physiques. On romantise les maladies physiques et/ou psychiques. Les malades deviennent des modèles de résilience.
C’est une manière pernicieuse de rendre responsables de leur sort les malades. Il faudrait travailler sur “soi” pour s’en sortir.
Hors, la santé est un sujet de société.
Le milieu des musiques actuelles n’est pas étranger à ce problème alors que les états de santé défaillants des personnes y évoluant sont la conséquence de problèmes systémiques.
Par exemple, l’artiste entrepreneur-e devrait désormais prendre en charge sa carrière, par conséquent son état de santé est son affaire.
La santé des artistes est souvent un non-sujet. Ou on romantise leur handicaps, leur maladies physiques et/ou psychiques. Elles feraient l’artiste. Sans elles, pas de génie.
Au diable ce validisme et cette essentialisation !
Faut-il souffrir pour créer ? Non.
La création aide à surmonter la souffrance, elle peut nous accrocher à la vie, aux autres.
Mais elle n’éradique pas une maladie auto-immune ou une dépression chronique.
Y’a pas photo, Beethoven aurait bien aimé se passer de sa surdité.
Et qu’on ne se serve pas de ces exemples dramatiques pour les brandir aux artistes qui, malgré leurs efforts, n’arrivent pas à “entrer en résilience”.
Si iels y arrivent, pourquoi pas toi ? hein ?
C’est seulement depuis quelques années que de nombreux organismes et associations du milieu de la musique tirent des sonnettes d’alarme.
La santé auditive est désormais beaucoup plus prise au sérieux. L’association Agi-son, par exemple,depuis plus de 20 ans "défend la création et la qualité sonore dans l’écoute et la pratique des musiques amplifiées" : https://agi-son.org/.
La minimisation de mon hyperacousie
À chaque fois que je me remets à musiquer assidument, la complexité de ma situation auditive me revient en pleine poire.
Je devrais m’estimer chanceuse, mon hyperacousie est légère. On pourrait même plutôt parler d’hypersensibilité auditive. Mais la douleur présente dès que je m’expose, en fait une hyperacousie. Elle ne touche que mon oreille droite et n’est pas accompagnée d’acouphènes. Elle apparait par crises (intenses) que je vois, enfin j’entends, maintenant venir de loin.
Certaines personnes sont obligées de vivre dans le silence absolu, ayant très mal au moindre bruit. Je n’ai pas dû abandonner ma carrière. J'ai rencontré une musicienne qui a préféré arrêter pour un temps la musique. Je me souviens avec empathie des larmes de Lara Fabien expliquant sa pathologie sur un plateau TV.
Quelque part en moi, je pensais que ma procrastination en matière « d’enregistrements » venait d’un blocage dûe à des traumas psychologiques ou un manque de confiance en moi. J’en étais à vouloir “purifier” mon studio avec de la sauge 🤦
Je pensais que mon choix de ne pas sortir d’album mais plutôt des singles, des EPs, des “expériences” sonores etc., n’était dû qu’à une envie de tester des manières plus expérimentales de proposer de la musique (ça n’est vrai qu’en partie).
MAIS QUE NENNI !
Je n'ai aucun mal à produire de la musique ambient, à enregistrer des voix, à créer des mixs pour des radios, à jouer de la musique noise ou agressive. Si je suis bien protégée, si je prends mon temps et si je « fractionne » ma pratique.
Avant 2014 et ma 1ère crise d'hyperacousie, je passais des heures en studio, sous le casque, je produisais des tracks... Je mettais déjà des boules Quiès pour me protéger lors des concerts ou des soirées. Mais pas pour ma pratique musicale.
Le problème vient bien de mon hyperacousie.
Pour les enregistrements, j'avance souvent à reculons car la douleur me fait peur. À raison.
Gestion de l’hyperacousie durant la résidence
Câblage
Les tests ont été fait la veille des enregistrements. Pour fractionner la mission, ne pas m’épuiser. J'ai pris mon temps. Tard le soir, lorsque le traffic aérien est moins dense.
J'avais un peu d'appréhension car je n'ai que peu de fois enregistré des pianos en solo. Alors, les jours précédents, j’ai regardé des tutos sur YouTube, demander des conseils vite fait à Nahash.
Je me suis rassurée en me rappelant que durant ma carrière, j'ai fait des enregistrements beaucoup plus à l'arrache qui ont fini sur des prods dont je suis très fière.
Ceci dit, je déteste brancher des câbles.
Si vous aimez ça, vous méritez une médaille.
Un câble, ça traine, ça se perd, ça prend la poussière, ça se met dans le mauvais trou (et on met 3 heures à chercher d'où vient le problème alors que c'est juste le mauvais trou), ça s’enroule, ça s’use. Et ça ressemble à un serpent.
Mais il faut bien se résoudre à se brancher pour enregistrer.
Alors j'ai positionné les pieds, les micros, j'ai câblé. Comme à mon habitude et comme pour les concerts, tout doucement, pour ne pas m’énerver. Je suis rentrée dans ma bulle de branchement.
Et comme d’habitude, la séance a pris moins de temps que prévu.
Mais.
Tests d’enregistrement
La tension est apparue quand il a fallu faire les tests d'enregistrements.
Mon piano étant dans mon salon et non pas dans mon studio où siègent mes enceintes NS10, il fallait que je fasse les tests au casque, sans mes bouchons moulés à -25db.
Soit dit en passant, je n'utilise plus de casque ou d’écouteurs. Jamais.
J'ai une barre de temps d'utilisation de mon oreille droite qui descend très vite.
Et j'ai l'ouïe assez fine : je me serais (mal) écoutée, j'aurais fait des tests pendant 3 heures, mis de l'anti-dégraissant à toutes les articulations du vieux piano, tenter de ré-accorder moi-même certaines touches. Et j’aurais fini dans la douleur et la tristesse.
J’ai donc agit vite et bien, en pleine concentration, pas dans la recherche du son parfait.
Je réalise en écrivant que les enregistrements sont destinés aux Temps Longs, une oeuvre dont le thème est la guérison, la transformation, l’acceptation de nos fêlures, de nos parts d’ombres... Avec les images pleines de jolie poussière de Julien Fallecker, je n’allais pas enregistrer un piano tout propre.
J'ai tout de même résolu deux grincements en tournant un bout de bois (qui doit servir pour la pédale de sustain) et en bougeant doucement dans tous les sens une tige en fer au bas du piano (dont je ne connais pas l’utilité).
J’ai avancé avec beaucoup de précaution, car au-delà de mon peu d'expérience en matière d'enregistrement de piano, c'est bien le trauma de mes 1ères crises d'hyperacousie qui m’empêchent d’être sereine avant des enregistrements.
Donc oui oui OUI. Au final, c’est bien un problème psy qui m’empêche. Mais, c'est un problème psy qui vient d’un problème physique. Nananère.
Et ça m’avance à quoi de savoir si c’est de mon corps ou de ma tête que vient le problème ? Tout est lié…
Infos techniques d’enregistrement
J’ai utilisé une paire d’Oktava MK 012-01 MSP2 (mon cadeau à moi-même de mes 41 ans, merci Nahash pour la reco) placée au-dessus de ma tête selon la règle du 3:1, un Neumann TLM103 (merci Marc pour le prêt) placé derrière le piano que j’ai décollé du mur - mur contre lequel j’ai posé une plaque de polystyrène recouverte d’une grosse couette, un enregistreur Zoom dans la pièce à 1m50 derrière moi “histoire de”.
Après moultes réflexions, j’ai décidé d’enregistrer avec la pédale de sustain du piano plutôt que d’enregistrer sans et de rajouter une réverb ensuite : j’ai voulu garder l’intentionnalité de mon jeu jusque dans l’utilisation de la pédale.
Euh, je viens de me rendre compte que réverb ne prend pas de “e” à la fin. Je suis en état de choc.
Enregistrements
Dieu merci, je ne fais pas de la batterie.
Le morceau au piano que j'ai enregistré est très dynamique, pas de métronome. Il dure plus de 6 minutes. Il suit une partition visuelle : le montage des images tournées en super 8 par Julien Fallecker.
Je n'ai pas pu utiliser mes bouchons moulés comme durant mes répétitions.
J'ai enregistré sans casque de retour, le son du piano entrait directement dans mes oreilles. Et je n'ai pu pas fractionné de trop les prises. Les prises duraient environ entre 20 et 25 minutes à chaque fois.
Les enregistrements de voix sont plus simples pour mon hyperacousie. Je contrôle le volume du casque. Je peux garder seulement quelques pistes du morceau sur lequel j'enregistre. Je mets mes bouchons moulés quelques fois. Une voix est monophonique et beaucoup moins forte qu'un piano.
J'ai tout de même terminé ces fichus enregistrements avant la fin officielle de la résidence.
J'ai pu monter un 1er jet du morceau le mardi matin. Youpi.
Après la résidence, j'ai voulu toute la semaine m'y remettre mais mon oreille me faisait trop mal. Il me fallait du repos.
On est le samedi 11 février au soir alors que je reprend l'écriture de cet article. J'été censée me rendre au concert de Flor Mata et La Chica au Musée Sauvage à Argenteuil. Concert auquel je me faisais une joie d'assister. J'ai décidé de me préserver. Je suis restée chez moi.
Je me dis qu'il me serait très difficile d'enregistrer dans un autre studio que le mien. Un studio en location, sur un temps réduit.
Impossible de faire une pause de 40 minutes sous ma couette avec mes bouchons moulés et mon casque anti-bruit, histoire de réellement reposer mon oreille et calmer mon anxiété. Impossible de ré-écouter juste après l'enregistrement la prise pour la valider ou pas. Impossible de rester jusqu'à tard.
L'histoire de mon hyperacousie
Je me souviens précisément du climax de ma 1ère crise d'hyperacousie.
C'était à l'automne 2014.
Depuis peut-être deux semaines, nous travaillions pour Charlotte&Magic sur les enregistrements de mes voix lead pour un EP.
Plus les jours avançaient, plus j'étais extrêmement fatiguée et angoissée car j'avais de plus en plus mal à l'oreille droite quand la musique résonnait dans le casque.
Le temps de prise de voix sans douleur diminuait à chaque cession.
Jusqu’au jour où, au bout de 30 sec d'enregistrement à peine, j’ai reposé le casque violemment sur le pied de micro en beuglant "je n'en peux plus". Je suis sortie de la cabine en pleurant et suis allée me réfugier dans mon lit.
Je ne savais pas ce qu'il m'arrivait.
Je connaissais les acouphènes, la surdité, les otites... J'ai eu des problèmes aux oreilles toute mon enfance (malformation de la trompe d’Eustache, otites séreuses et chroniques, yoyos, paracentèses à gogo, curetage de la trompe d’Eustache, greffe du tympan…).
Mais avoir mal quand on entend des sons au point que notre propre voix ou le son d'un frôlement de papier nous fasse souffrir ? 😳
J'étais loin de m'imaginer que cette pathologie existait et s’en prendrait à moi. Moi, musicien-ne passion-née à la voix portante, amatrice de fêtes all night long et de musique de tout type allant du baroque à l’indus-drone-noise en passant par les fanfares des Balkans.
J'ai d'abord consulté 2 ORLs qui n'ont pas su me dire ce que j'avais. Le 2ème m'a donné du Lexomil, ça aide un peu.
J'ai été sur internet. AU SECOURS. Des cas tellement graves.
Mais j'avais un mot : hyperacousie.
Pour en savoir plus : site de l’association COOPACOU.
Le 3ème ORL (qui me suit toujours), LUI, savait ce qu'il m'arrivait.
Il a pris en compte le désarroi psychologique dans lequel je me trouvais : la musique, ma passion / travail me faisait souffrir physiquement et je ne pouvais plus m'y adonner.
Il m'a expliqué que le problème n’est pas psychologique (ce qu’avait sous-entendu l’ORL du Lexomil). J'ai une oreille cicatricielle à cause de tous mes problèmes de l’enfance. Elle se fatigue plus facilement qu'une oreille en bonne santé.
Je schématise vulgairement : quand c'est trop pour elle, elle dit “stop” par la douleur.
Le stress que génère cette situation tend mon corps (cervicales, cou, épaules, bras) ce qui aggrave mes sensations de douleurs. Donc l’aspect psychologique est réellement à prendre en compte mais n'est pas à l’origine de la douleur.
Pour résumer, je dis souvent que c’est comme une tendinite de l’oreille.
Durant cette 1ère crise, si je voyais qu'on s'approchait rapidement d'un bouton de volume sans me prévenir, mon oreille me faisait mal en une fraction de seconde, même si la personne n'allait pas monter le son.
Durant la 1ère visite chez l’ORL compétent, il m’a mis un bidule dans l’oreille qui diffusait du son progressivement. La 1ère fois qu’il l’a mis en route, il ne m’avait pas prévenu et la douleur est très vite apparue. La 2ème fois, il m’a dit “maintenant je vais monter le son petit à petit, tentez de vous détendre”, la douleur est apparue plus tard.
Vu que mon hyperacousie était légère, voilà les solutions de guérison que l’ORL m’a proposé : repos auditif, reprendre petit à petit les bains sonores et, surtout, protéger mes oreilles dans ma pratique musicale.
Je n’osais pas chanter. Les murmures à l’oreille droite me faisaient mal. La vaisselle. La voiture qui roule. Les avions qui passent. Les bruits de la rue.
Je me suis coupée socialement pendant bien deux mois.
Il y a des traitements par des appareillages, des bruits "colorés", de la sophrologie etc. Mais je n'en suis pas à avoir recours à tout ça. Pour l'instant.
Il m'a fallu du temps pour apprendre à vivre avec ce problème et mes bouchons. J'ai eu deux autres crises les deux années suivantes, pour l'enregistrement d'un autre EP puis du dernier album de Charlotte&Magic.
Les bouchons sont mes meilleurs amis
Bouchons moulés
Les bouchons moulés n’altèrent pas la qualité sonore comme les boules Quiès qui laissent plus passer les graves. Ils baissent le volume général grâce à un filtre.
Il existe des mouchons moulés avec des filtres “intelligents” qui vont baisser les fréquences douloureuses, monter certaines qu’on entend pas assez, qui vont diffuser un bruit blanc etc.
Depuis la 1ère crise de 2014, j'ai dû me faire faire une dizaine de paire de bouchons moulés. Ça se perd très facilement, surtout après des concerts.
J’ai appris à performer avec. À chanter avec surtout. C’est assez cool car ça augmente le volume de ma voix interne. Pas besoin de mettre ma voix plus forte dans les retours.
Ces bouchons ont même sur moi un effet apaisant psychologique.
Ils se nettoient facilement à l’eau claire et au savon doux après avoir retiré le filtre atténuateur.
Les bouchons ne sont pas remboursés par la sécurité sociale et coûtent un bras enfin une oreille, entre 130€ et 150€. Quand on les perd, c'est la panique.
Ma dernière paire est particulièrement réussie. Après avoir eu une mauvaise expérience chez Grand Audition des Champs Elysées, je vais désormais toujours chez Audiologys, rue de Rivoli à Paris, même si l’agenda est chargé et que les prix ne sont pas tout doux.
L'association Agi-Son propose souvent des sessions de moulage à prix réduits (entre 80€ et 100€) durant de nombreux évènements de musiques actuelles.
Ma panoplie de protection
En plus de mes bouchons moulés j'ai...
Un casque anti-bruit à -35db accroché à un mousqueton sur la lanière de mon sac. Dès que je suis à l'extérieur et que l'ambiance sonore est trop intense (vive Paris), je l'ai à portée de main pour me protéger.
J'utilise aussi des boules Quiès en mousse à -35db pour dormir ou quand j'ai réellement besoin de couper le son sans avoir l'air d'être une pilote d'avion de chasse ou de risquer de perdre mes bouchons moulés.
À chaque fois que je vais dans une salle de concert, je prend quelques paires de boules Quiès gratuites, ça peut toujours servir.
Hildegarde m'a aussi offert de jolis bouchons à -18db que j'utilise dans les lieux publics quand le petit brouhaha est ennuyeux mais pas insupportable.
Je préfère utiliser mon casque anti-bruit en concert car ça repousse les personne qui désirent me parler (très) fort à l'oreille, bien souvent la droite.
Il m'est déjà arrivé à certains concerts de mettre mes bouchons moulés en plus de mon casque anti-bruit.
Retours “In-ear”
Je n’ai jamais voulu les essayer. C'est le fait de recevoir le son directement dans mon conduit auditif sans "filtre", de manière brute, qui me fait mal.
Peut-être me faudrait-il des bouchons moulés sous un casque de retour, comme je fais pour mes enregistrements de voix ?
Je pourrais imaginer un casque customisé type diadème. Idée à creuser 😀
Bref. Revenons au sujet initial.
Conscientiser l'hyperacousie pour mieux travailler
Comme je l'ai dit plus tôt, avant cette résidence chez moi, ma voix auto-saboteuse me disait parfois « mais non, tu procrastines ces enregistrements de piano car tu es nul-le en prod et flemmard-e ».
La vérité est qu’une personne "je sais tout" qui connaissait mon problème m’a lancé un jour une phrase assassine qui apparement m'est restée en travers de la gorge, enfin du conduit auditif.
Sur le coup, je ne m'étais pas rendue compte du caractère validiste de sa phrase.
Validiste : relatif au validisme. Validisme : Oppression vécue par les personnes vivant en situation de handicap physique ou mental.
- Tout musicien-ne devrait mixer sa propre musique ! m’a dit cette personne.
- Oui, mais moi, je peux pas, à cause de mon problème, tu sais…
- Oui, mais non, allez, t’as qu’à t’organiser mieux et faire des pauses.
J'adore celles et ceux qui s'improvisent ORL, qui savent mieux que toi ce que tu ressens et qui minimisent ta douleur.
L'image mythique et non-réaliste de l'artiste qui fait tout, tout-e seul-e, commence sérieusement à me pomper l'air soit dit en passant.
Je m’adresse ainsi à vous artistes (de musiques électroniques notamment) : le mixage c’est tout un art, un métier, vous n’êtes pas obligé-es de savoir le faire.
Cette résidence m'a guéri sur ce point et m'a permis de taire cette voix auto-saboteuse. Je réalise désormais pleinement mon problème d'hyperacousie dans mon travail de production.
Ça me rend un peu triste, on est un peu plus tranquille dans le déni. Mais ça me soulage.
Je vais désormais m'organiser encore mieux en fonction.
Je préviendrai les artistes avec qui je collabore.
Je partagerai cet article pour expliquer pourquoi je mets du temps à produire, pourquoi je me tourne souvent vers l'improvisation, pourquoi je tente d'enregistrer des voix en une seule prise et qu'il me faut donc être dans des conditions OPTIMALES de santé et d'agenda, pourquoi je ne peux pas trop éditer mes voix quand je les transfère, pourquoi je ne peux pas vraiment enregistrer ailleurs que chez moi, pourquoi tout cela m’angoisse…
Pour le travail scénique, ce travail de conscientisation a déjà été réalisé.
Comme je l’ai expliqué dans mon précédent article, en 2015, le temps de résidence avec Cyrille Champagne s'était concentré en partie là-dessus : (ré)apprendre à faire des balances et à performer sur scène avec mes bouchons.
Guillaume Carpentier, l'ingé son qui me suit souvent pour VoxAxoV, prend mon problème en compte avec beaucoup de sérieux et de bienveillance.
Je mentionne mon problème dans la fiche technique.
Je me prépare mentalement comme une warrior pour les balances, moment de travail que je n’ai jamais apprécié de toute façon.
Pour conclure : cherchez l’épingle !
Avant la création du réseau Musiciennes&Co, je pensais être un peu seule à me sentir pas assez ceci ou trop cela.
Plus j’ai rencontré d’artistes et échangé de manière authentique avec elleux (surtout des femmes et/ou des personnes issues de groupes opprimés), plus je me suis rendue compte que ce manque d’amour propre est très répandu. Coeur sur nous.
Bon nombre d’artistes très connu-es doutent aussi d’elleux-mêmes. Iels le disent, c’est écrit dans leur biographie.
On s’auto-flagelle de trop. On pense, à tord, qu’il nous manque toujours le talent ou la volonté si nous n’atteignons pas les rêves que l’on se forge. Nous sommes le problème, coupable d’on ne sait quoi. Un égo-centrisme en négatif.
Desfois, les causes de nos difficultés sont si présentes qu’on les oublie, on fait avec depuis toujours.
Quand j’étais ado et que j’allais répéter au Luna Rossa dans le 14ème à Paris avec un de mes 1ers groupes (du métal à la AC/DC en français) (oui j’ai tout fait), je ne savais pas que je ressentais un malaise car j’étais quasi la seule “nana” dans les environs.
C’était plus simple de me dire que je manquais d’assurance, qu’il fallait que je sois plus “forte” et que j’adopte une posture comique et très légèrement nonchalante en faisant le p’tit mec, plutôt que de constater ma solitude. Je ne savais rien sur le féminisme. C’était en 1997 ou en 1998, “y’avait pas internet”.
C’est parfois plus simple de s’en prendre à soi qu’au système quand on est seul-e.
L’ignorance ou le déni sont peu plus reposants sur le coup mais ça ne nous mène pas bien loin en terme de confiance en soi et d’épanouissement.
Alors, certes, mon problème d’hyperacousie ne découle pas d’une oppression systémique.
Mais je pense tout de même que la santé auditive est un enjeu de société. Plus l’urbanisation avance, plus le volume sonore augmente.
L’hypersensibilité auditive est aussi assez courante chez les personnes neuro-atypiques et les neuro-atypiques sont légion dans le milieu de la musique, surtout parmi la communauté des artistes (je m’invente sociologue car je tiens cette donnée de mon ressenti personnel).
Alors, si vous entrez dans une spirale d’auto-flagellation, cherchez votre épingle. Vos épingles.
Posez-vous deux secondes. Osez constater les choses qui ne vont pas, sans vous comparer aux autres.
Je ne dis pas de prendre une position de victime ou de vous plonger à jamais dans la colère militante. Je précise que la colère est légitime et qu’elle est parfois un moteur.
Vous pouvez lister simplement ce qui vous empêche concrètement d’avancer dans votre épanouissement et/ou votre carrière : le manque de temps, une maladie, une situation familiale compliquée, chargée, un environnement toxique ou pas très sain (drug & rock’n’roll baby), un manque de soutien de votre entourage, la précarité, des oppressions systémiques, des traumas passés etc.
Je ne désire pas vous décourager, il ne s’agit pas que vous vous disiez “oh bah si j’ai tous ces soucis, je n’y arriverai jamais, autant arrêtez tout de suite”.
QUE NENNI ! bis
Je dis ça car je voudrais vous envoyer du courage et vous faire un câlin virtuel s’il est consenti. Et je voudrais vous amener à vous faire des auto-câlins si ça vous tente. Comme je fais des câlins et des massages à mon oreille droite quand elle a trop mal.
C’est tout ça qui vous fait procrastiner ou vous empêche. C’est pas “vous, vous”.
C’est pas votre manque de volonté, de connaissance ou de talent, c’est pas votre éparpillement, c’est pas vos maladresses, votre manque d’organisation, votre timidité ou votre grande gueule.
Quand on voit que des personnes malveillantes ont du succès, on se rend bien compte que ce ne sont pas les “défauts” des gens qui empêchent d’avancer.
Ce sont les épingles.
Alors, cherchez les vôtres.
Merci beaucoup pour cet article. C'est très bien expliqué. Je comprends mieux pourquoi je suis ultra efficace 30mn max en studio