Quoi faire & comment après un évènement pro intense comme le MaMA ?
Voilà, on est à J + 1
Vous vous êtes rendu-es à un évènement pro type MaMA, la Jirafe, les BIS de Nantes, la JIMI…
Durant ce moment, vous vous êtes peut-être senti-es submergé-es, hyper enthousiastes, illégitimes, intéressé-es… Des portes se sont ouvertes dans votre esprit, dans votre carnet de contacts. Vous avez rencontré des gens. Vous avez fait un concert, participé à une conférence. Vous avez réfléchi, bu des coups. Vous avez beaucoup parlé et parcouru des kilomètres dans un espace réduit. Vous avez conclu un deal. Vous vous êtes peut-être disputé ou perdu dans la foule.
Votre corps, votre cœur et votre cerveau ont donné, même si vous avez décidé d’y aller “à la cool”.
Et maintenant, quoi faire ?
De toutes ces notes, de ces cartes de visites, de ces doutes, de cette fatigue, de cette joie, de ce bouillonnement, de cette gueule de bois ?
Je vais tenter de vous donner quelques pistes de réponses en m’appuyant sur mon expérience et sur les retours des personnes avec qui je communique.
Comme d’habitude, n’hésitez pas à me faire part de vos ressentis en commentaires ou en répondant à la version mail de cet article.
Je vais me concentrer sur le cas suivant : vous êtes venu-es à cet évènement pro dans le but de “réseauter” : rencontrer des gens, promouvoir une prochaine sortie, trouver des partenaires, des dates de concert…
Avant de plonger, voici les replays des conférences auxquelles j’ai participé durant ce MaMA 2023 :
> À corps perdu : comment être un.e artiste en bonne santé dans une économie de l’attention ? < avec les artistes Thérèse, Katcross et Ismaël Métis ainsi que la manager d’artistes et accompagnatrice Élodie Watrin et moi-même à la modération.
> Peut-on avoir une carrière durable dans une industrie âgiste? < avec Cavale, Christine Lidon et moi-même ainsi que Kahina Khimoune à la modération.
Je reviendrai sur ces sujets, il y a tellement de choses à dire !
J’ai été invité par Causa pour ces conférences. Voici tous les liens des autres conférences que cette “agora moderne pour l’écosystème de la musique” a organisé https://linktr.ee/causa_agora
C’est en amont qu’on prépare l’aval
J’en parle souvent dans ce blog.
Plus vous anticipez les choses, plus vous êtes à même de gérer les aléas et l’après-coup.
J’en à La Fontaine. Les artistes sont, selon moi, de réelles fourmis et non pas des cigales. Même les plus désorganisé-es et foutraques des artistes ont des compétences que les autres n’ont pas : jouer d’un instrument, chanter, aller sur scène devant des gens, écrire des chansons, maîtriser des logiciels… On ne demande pas à un-e facteur-ice de maîtriser les réseaux sociaux, de savoir écrire un mail et de bien se pitcher, à un-e artiste oui.
Alors vraiment, artistes, si vous n’arrivez pas à vous “préparer” comme il se doit pour ces évènements pro, c’est ok. Allez-y en mode “crash test”, vous y trouverez toujours quelque chose, si ce n’est d’assister en solo à des conférences et des concerts si vous n’arrivez pas à sociabiliser.
Un article écrit après le MaMA 2022 sur la préparation à ce type d’évènements :
J’ajoute :
L’annuaire pro
Lorsque vous prenez votre accreditation au MaMA, vous avez accès à l’annuaire pro. Il est pratique surtout si vous savez exactement quel personne ou structure contactée (et que ces dernièr-es sont inscrit-es dans l’annuaire).
Si vous êtes dans le flou et que, par exemple, vous cherchez une maison d’édition sans trop savoir laquelle, je vous déconseille de taper “maison d’édition” dans l’annuaire. Vous allez vite vous décourager devant une liste de plus de 50 contacts.
Regardez les intervenant-es des conférences qui vous intéressent et voyez si certain-es sont éditeur-ices. Vous pouvez faire de même avec les artistes qui sont programmées en cherchant quelles sont leur maison d’édition etc.
Préparez vos RDVs bien en avance
Faites cette recherche et envoyez vos e-mails en avance. Bien en avance !
Une semaine avant le MaMA, c’est la grande course et personne n’est dans la capacité de répondre aux mieux à la sur-sollicitation des demandes de contact.
En revanche, j’ai contacté des artistes pendant cette période. J’ai bien aimé faire bien ça via l’annuaire pro, cela m’a donné un sentiment de “corporatisme”.
Préparez votre safe place intérieure et votre arrivée si vous êtes handi-e
Comme j’en parlais dans l’article sur la préparation, le MaMA est emprunt de validisme1.
Peu d’accessibilité et pas de lieu calme où réellement souffler. C’est la même chose pour tous les évènements pro du milieu de la musique. On pense l’accessibilité et la safitude pour le public, moins (voir pas) pour les artistes et les non-artistes du milieu.
Alors préparez vos moyens d’accès, vos médocs, vos doudous, vos boules quiès, votre tribu aidante, contactez le MaMA en amont si vous êtes une personne à mobilité réduite, préparez votre agenda de conférences et de concerts en avance…
Je vais écrire un article spécifique sur le manque d’accessibilité au MaMA pour faire écho et donner une continuité à la conférence sur la santé. Vous pouvez me contacter si vous voulez me faire part de témoignages.
Pendant l’évènement
Au-delà de faire en sorte de préserver votre énergie et votre santé, sachez que vous aller rencontrer beaucoup de monde et à vitesse grand V.
Vous aller récolter beaucoup de cartes, de flyers, de CDs, de goodies… Pensez à apporter une trousse ou une pochette pour les garder au frais. Pensez chaque jour à les ranger dans votre lieu de séjour.
Parfois vous n’allez repartir qu’avec un souvenir d’une rencontre. Certaines personnes oublient leur carte de visite, n’en ont pas ou plus.
Mémorisez ces rencontres comme vous pouvez : en écrivant sur un carnet, sur votre téléphone, en prenant des photos... J’ai pour ma part une jolie collection de photos de pass MaMA.
Pour les plus organisé-es ou celleux qui ont peur de tout oublier : chaque soir, vous pouvez faire la liste des personnes rencontrées ou de celles à qui vous aimeriez parler. Vous pouvez aussi les inscrire directement dans votre fiche contacts.
Après le MaMA : le repos
J’espère vraiment que vous avez pu ou que vous avez pensé à ne rien prévoir d’important juste après le MaMA (et avant et pendant).
Ce passage va peut-être paraître évident et/ou paternaliste. Si je parle du repos (souvent), c’est car dans le passé j’oubliais souvent de me reposer. Le milieu de la musique et la vie d’artiste ne nous y encouragent pas.
Celleux qui savent, savent : après 3 jours de MaMA, même si on se préserve au mieux (bien manger, pas trop boire, pas se coucher trop tard, ne pas courir partout, ne pas tout faire), on est rincé-e.
Aller dans des évènements pros, c’est du travail ! Même si vous n’êtes pas payé-es pour cela. Lorsque vous vous rendez dans ces évènements, vous “prospectez”. Comme vous êtes artistes, vous êtes votre propre boss (même si vous avez un début d’entourage ou toute la panoplie idéale de partenaires). Être artiste, selon moi, c’est aussi (malheureusement) se trouver dans une position inconfortable qui nous oblige à développer sa carrière ou (surtout) à la pérenniser continuellement.
Pour ma part, modérer et intervenir à des conférences, passer mon temps à faire du chaud froid, courir partout, me coucher (très) tard, danser, manger sur le pouce, parler fort et beaucoup, devenir rabatteuse pour le stand éphémère de Music Declares Emergency à la Cantine de la Cigale, réfléchir H24, rencontrer des gens… m’a transformé en un aimant géant à microbes.
J’ai attrapé un gros rhume qui m’a donné la meilleure excuse pour “ne rien faire” ensuite pendant 3 jours et reprendre mes esprits.
Se reposer et reprendre ses esprits et des forces ce n’est pas “ne rien faire”.
Pensons aux artistes des combos gagnants : concert ou showcase au MaMA, intervention à une conférence, prospection, bénévolat pour une asso présente, mission de com’ pour l’autre emploi pas artististique de notre vie d’artiste etc.
Le temps de la digestion
Le bouillonnement légèrement frénétique de ces grandes messes “pro” du milieu de la musique a toujours enclenché en moi le mode “croisade”.
La surabondance d’informations et la profusion de rencontres me donnent pléthore d’idées de développement mais aussi de manière de faire évoluer le milieu de la musique pour plus de justice sociale, de bien-être et de stabilité financière pour toustes.
Dans mon esprit, il faut que ça bouge là maintenant tout de suite, pour moi et pour le monde.
Mais…
Les grands changements se font (surtout) sur des temps longs
Si je regarde en arrière, toutes les transformations importantes de ma vie et du milieu ce sont faites sur la longueur (ponctués par des éclats, certes).
Les collaborations avec mes partenaires pros pour mes différentes aventures artistiques passées et présentes ont mis du temps à s’installer : échanges d’emails, silences, profusions, RDVs planifiés ou hasardeux, tensions résolues (ou non), échecs ou réussites.
Il en va de même pour les changements structurels du milieu. La facilitation de l’inscription à la SACEM pour les auteur-ices et compositeur-ices ne s’est pas faite en un jour. Ne me dites pas que c’est très galère sinon je vais faire ma minute “vieille” en vous expliquant comment il fallait faire avant internet et vous allez vous sentir bien gâté-e.
L’égalité des genres dans la musique est très loin d’être atteinte. Mais, en quasi dix ans, les mentalités ont commencé à changé et les choses évoluent (très doucement, on est d’accord). Il y a eu le #MusicToo. Des gens du milieu ont été écartés. Il y a des campagnes anti-VSS, des formations sur le sujet. Le festival Les Femmes s’En Mêlent est enfin apprécié à sa juste valeur et non pas comme un évènement communautarisme qui finira bien pas s’éteindre un jour (lol). Les femmes et les minorités de genre s’entraident, les bouches se délient…
Faire la tortue
J’ai mis du temps à faire mon post “Post MaMA” sur les réseaux sociaux :
Juste après le festival, j’étais malade, fatigué-e et je ne savais pas ce que je pouvais dire et comment.
Comment font les autres pour poster le lendemain ?!
J’ai aussi pris mon temps pour écrire cet article. Comme je considère ma vie comme une “performance expérimentale et interactive”, je ne voulais pas écrire avant d’avoir expérimenter un MaMA de plus.
Laisser infuser avant d’agir
Voilà, nous sommes à J + 3 voir plus…
Le repos vous a requinqué, le rhume s’en est allé.
Si vous suivez bien mes conseils, vous n’avez pas sauté le lendemain de la fin du Festival sur votre pile de carte de visites récoltées durant la semaine.
Parfois, il faut laisser infuser avant d’agir. Oui j’emploie “il faut”.
Je vous déconseille fortement d’envoyer des messages les jours suivants avec comme objet “Suite à notre rencontre au MaMA”. Sauf si la personne vous l’a explicitement demandé, bien entendu.
Tout le monde est plus ou moins hors service. Tout le monde ou presque va ré-ouvrir avec flemme sa boîte mail.
Rien ne sert de se précipiter, car les choses importantes et essentielles vous apparaitront plus claires en temps voulu.
Je n’aime pas battre le fer tant qu’il est encore chaud
Surtout s’il s’agit, pour moi, de bâtir mon équipe et de trouver des dates de concert que je veux cohérentes avec mes valeurs, mon rythme de vie et mon désir de les coupler avec des actions culturelles ou d’artivisme.
La société m’apparaît si inégalitaire, le monde si instable (entre le réchauffement climatique, les guerres et les pandémies), je n’ai tellement plus envie de me dépêcher… que j’ai décidé (vous l’aurez compris si vous suivez ce blog), de revendiquer haut et fort mon rythme de croisière “à la vitesse des arbres”. J’en ai même fait le slogan de VoxAxoV.
Je veux être une tortue centenaire ou un roseau dans le vent.
De toute façon, je n’ai plus le privilège de pouvoir aller vite. Je me fatigue très vite et j’ai des responsabilités familiales et personnelles. Je dois prendre mon temps sinon je perds littéralement les pédales, mon corps part en vrille et mon cercle proche en pâtit.
Je n’ai pas d’enfants. Dans ces moment-là, je pense à mes pair-es qui ont en ont. Je vous envoie mes pensées de soutien.
Rassembler
Quand on s’est bien reposé et que le bouillonnement intérieur post-MaMA s’est apaisé, on peut commencer à se mettre en MISSION CONTACT.
On sort son fichier de prospection. Celui dont je parle dans cet article :
On liste les gens que l’on a rencontré ou entrevu en s’aidant des cartes de visite, des goodies, des photos, des souvenirs de concerts ou de conférences auxquelles on a assisté.
Ça n’est pas simple de se souvenir de tout le monde. C’est pour ça que ce moment doit être fait sur la longueur.
On peut ranger ces personnes ou les structures par catégories.
J’inclue aussi dans cette liste les artistes que j’ai rencontré, c’est important pour moi de nous inclure comme des “partenaires” potentiel-les, des collègues.
Le tenue de cette fiche contact est MA technique de personne rigoureuse qui a besoin de faire des listes pour s’y retrouver et faire les choses dans l’ordre et par pallier. D’abord je rassemble, ensuite je contacte.
Je n’arrive pas à savoir comment on pourrait faire autrement, mais apparement d’autres font les choses de manière plus improvisée et s’en portent très bien.
Faites à votre rythme et selon vos habitudes.
À l’heure où je vous écris cet article et où vous le recevez, je n’ai toujours pas recontacté les “gens du MaMA”. Je rassemble encore les contacts, je mets à jour mon fichier de prospection, Cloé Gruhier de Proxima Centauri apporte les dernières touches au nouveau dossier de presse de VoxAxoV.
On est artiste à la base
Je suis tortue aussi car manager de moi-même n’est pas mon métier à la base. Comme beaucoup, je suis à artiste à la base. Je chante et je compose à la base. Et j’ai des activités annexes, j’écris des articles, j’ai sorti le morceau de Scarlett sur mon label et je prépare des ateliers pour Les Femmes s’En Mêlent. Je suis aussi une être humaine, je m’occupe de mon chat, de ma santé, je passe du temps avec mon compagnon et ma famille, je me demande très souvent comment agir pour la paix dans le monde etc.
Contacter
Là encore, tout ne pourra pas être fait d’un coup.
Il va falloir prioriser. S’accorder des pauses. Organiser son temps pour ne pas finir le dos bloqué après avoir passé 5 heures non stop devant l’ordi à envoyer frénétiquement des mails.
Savoir prioriser c’est aussi un art et un art ça s’apprend. On priorise selon nos besoins, notre planning et notre stratégie mais aussi selon nos capacités, notre état (financier, émotionnel, de santé…) de l’instant.
Pour moi, lors de ces périodes de grand (re)contact, communiquer avec les artistes est un moyen de prendre du recul et de souffler. J’alterne les relances aux partenaires pro potentielles (périlleuses à mes yeux) et des échanges avec mes camarades.
Pour des conseils plus précis sur ces mails, il y a l’article #3 de la série “on ne répond jamais à mes mails”
À la prochaine !
Ce MaMA 2023 m’a tellement enjaillé que je m’organise déjà pour aller au BIS de Nantes.
On s’y retrouve ?
En attendant, on garde le cap !
Le validisme ou capacitisme est une oppression pouvant prendre la forme de discrimination, de préjugé ou de traitement défavorable contre les personnes vivant un handicap (physique et/ou psychique). Le système de valeurs capacitiste, fortement influencé par le domaine de la médecine, place la personne valide, sans handicap, comme la norme sociale. Les personnes non conformes à cette norme doivent, ou tenter de s'y conformer, ou se trouver en une situation inférieure, moralement et matériellement, aux personnes valides.
Dans ce système de valeurs et de pouvoir, le handicap est ainsi perçu comme une erreur, un manque ou un échec et non comme une conséquence des événements de la vie ou de la diversité au sein de l'humanité. La Convention relative aux droits des personnes handicapées définit l'absence d'accommodement raisonnable en faveur de personnes non valides comme une discrimination fondée sur le handicap.
Source Wikipedia